Commode Mercier Frères de style Transition

Commode Mercier Frères de style Transition

Le style Transition : repères historiques

Le style Transition couvre la période de 1750 à 1774 et désigne l'évolution stylistique qui, dans la seconde moitié du règne de Louis XV et au tout début du règne de Louis XVI, se caractérise par l'abandon des courbes et des extravagances Rocaille au profit de lignes droites, de la symétrie et des proportions harmonieuses.

La transition du style Louis XV au style Louis XVI se fait de manière progressive. Dans un premier temps, les ornements et formes Louis XV sont juxtaposés à ceux néoclassiques, inspirés par les modèles grecs. Plus tard, sous le règne de Louis XVI (1774-1793), seuls les attributs d'inspiration antique sont conservés, donnant naissance au style néoclassique.

 Commode de style Transition, vue de trois quart


Cette évolution du goût au milieu du XVIIIe siècle est liée à la vogue de l'archéologie, suscitée par les découvertes des cités d'Herculanum (1748) et de Pompéi (1752). Ces événements historiques donnent lieu à la parution de nombreux ouvrages illustrés et à la diffusion de gravures, qui décrivent les motifs et les ordres architecturaux gréco-romains, démocratisant ce nouveau style appelé style "à la grecque".

Des érudits allemands présents alors à Rome, comme Goethe (1749-1832) ou Johann Joachim Winckelman (1717-1768) - archéologue et historien de l'art, auteur de Réflexions sur l'imitation des ouvrages grecs dans la sculpture et la peinture (1755) et d'une Histoire de l'art de l'Antiquité (1764), s'emparent de l'Antiquité et s'efforcent de démontrer, à travers leurs écrits, la suprématie du beau idéal grec.

En France, les encyclopédistes s'attaquent à la futilité de l'art rocaille. Denis Diderot condamne les sujets légers de François Boucher (1703-1770) et exalte la peinture morale de Jean-Baptiste Greuze (1725-1805). Jean-Jacques Rousseau, quant à lui, remet en question la société de son temps (Du contrat social, 1762) et prône le retour à la nature. Quatrère de Quincy (1755-1849), fidèle aux idées de Winckelmann, publie en 1805 un Essai sur l'idéal. De surcroît, les artistes et architectes français voyagent en Italie pour étudier les monuments anciens, les vestiges et les objets antiques retrouvés intacts près du Vésuve. Tous s'accordent et dénoncent l'artificialité de l'art sous le règne de Louis XV et aspirent à un retour à l'ordre et à la morale.

Certaines personnalités partisanes du retour à l'Antiquité comme Madame du Barry, favorite du roi Louis XV, aide à l'essor du style Transition en commandant aux ébénistes des meubles "à la grecque" pour l'aménagement de son château à Louveciennes.

Commode de style Transition : piastre, frises d'entrelacs et poignée en couronne

Les meubles, décors et ornements du style Transition

La courte période appelée "Transition" se caractérise d'abord par un redressement des courbes rocailles, qui toutefois, ne disparaissent pas complètement. Le retour à la ligne droite et à la symétrie inspirées par l'Antiquité s'accomplit progressivement, avant de triompher définitivement sous Louis XVI. Le mobilier suit cette évolution remettant à la mode les surfaces planes et les angles droits. Lignes parallèles et perpendiculaires deviennent de plus en plus la norme dans la décoration. Les commodes galbées laissent place à une façade droite mais conservent des pieds cambrés, animés d'une courbe plus ou moins prononcée. Son bâti se compose de deux grands tiroirs sans traverse et d'un petit tiroir en ceinture. La rigidité des lignes est atténuée par des pans coupés, des arrondis et des ressauts. 

Sur les meubles, le style "à la grecque" se manifeste par les ornements récemment relevés sur les monuments, les mosaiques et les décors antiques : rosaces, palmettes, guirlandes, entrelacs, perles, piastres, rais-de-coeur ou rubans cassés à angle droit. Parallèlement, la marqueterie à décor géométrique se développe avec les cubes, les damiers, les losanges et les fonds à quadrillage de fleurettes dites marqueteries "à la reine". Ces dessins géométriques se répètent en soulignant la structure du meuble.

La mouluration, fine et élégante, moins accentuée que sous Louis XV, est inspirée, elle aussi, de moulures antiques.

Toute une nouvelle grammaire ornementale traduite dans les marqueteries et les bronzes dorés prend place sur les tables, les commodes, les bonheurs-du-jour et les secrétaires de l'époque. Certains motifs décoratifs existaient déjà sous Louis XIV mais les ornemanistes les affinent et les retravaillent pour les remettre au goût du jour.

Les techniques du style Transition

La marqueterie et le frisage du style Transition

La technique de la marqueterie atteint son plus haut degré de perfection vers le milieu du XVIIIe siècle. Les ébénistes conservent cette technique mais l'adaptent au répertoire ornemental néoclassique. Les exubérantes marqueteries florales sont progressivement remplacées par des dessins plus sobres, ou par un simple travail de placage visant à produire des motifs géométriques, encadrés par des bordures rectilignes.

 

Les bronzes dorés Transition

Les bronzes, encore présents, s'allègent considérablement et sont généralement fournis par les fondeurs. De nouveaux motifs à l'antique en forme de rosace, de draperie, de ruban, de poste, de guirlandes de laurier, de piastres, de feuilles d'acanthe en chute et de grecque, sont appliqués sur le corps cubique des meubles. Les façades sont ornée de panneaux carrés ou rectangulaires, à angle rentrant avec rosace.

Les piétements galbés gardent une garniture de bronze Louis XV ciselée de feuillages tombants. Ces bronzes servent à la fois de transition et de renfort entre le piétement courbe et le bâti rectiligne du meuble. Pour les commodes, le pied cambré à facettes prolonge avec élégance la surface lisse et angulaire des montants.


Les meubles de style au XIXe siècle

Durant la seconde moitié du XIXe siècle, les ébénistes adeptes de l'éclectisme comme Antoine Krieger (1804-1869) ou Mercier Frères (1828-1985) créent des meubles de style Transition. On trouve par exemple de commodes ou de vitrines au corps droit reposant sur des pieds galbés, comme notre commode, signée Mercier Frères. Ces meubles de style, de grande qualité, sont présentés aux expositions universelles de Londres et de Paris, et certains d'entre eux sont acquis par la Cour impériale de Napoléon III.

Ces productions éclectiques répondent aux demandes d'une société fortement éprise du passé. A l'occasion de l'Exposition universelle de Londres en 1851 - où l'industrie artistique française est placée au premier rang, Léon de Laborde (1807-1869) - archéologue et érudit français formé en Allemagne, publie un rapport dans lequel il recommande aux fabricants français de renouer avec la tradition et de comprendre, avant de créer, le goût particulier de chaque époque.


Les ébénistes répondent à ce goût pour le passé en retrouvant et s'appropriant les principes et les techniques de leurs prédécesseurs. Certains apprenent à sculpteur des meubles en chêne ou en noyer de style Renaissance, d'autres se spécialisent dans l'imitation des incrustations de cuivre et d'écaille d'après André-Charles Boulle, tandis que de nombreuses maisons produisent des meubles en marqueterie ornés de bronzes dorés finement ciselés, inspirés par les styles du XVIIIe siècle.

Les habitations sous le Second Empire présentent pour la plupart, exclusivement des reconstitutions du passé. Il y avait des salles à manger Moyen Age et Renaissance, des salons Louis XIV, des boudoirs Louis XV et des chambres Louis XVI. L'impératrice Eugénie contribua largement à la redécouverte des styles de l'Ancien Régime, le style Louis XVI notamment.


La restauration de la commode : un travail de patience

Afin de retrouver l'état d'origine de cette belle commode, nous l'avons restaurée selon les règles de l'art dans notre atelier.

Notre équipe de restaurateurs a dans un premier temps démonté les pièces en bronze ciselé et doré, afin de les nettoyer et retrouver leur éclat.

Puis, après avoir poncé finement la marqueterie, ils l'ont ravivée pour mettre en avant ses veines et ses couleurs d'origine. Ils ont ensuite utilisé la technique du vernis au tampon qui consiste à appliquer sur le bois une poche, dans laquelle on place de la mèche de coton imbibée de vernis, en décrivant des "8" successifs d'un geste régulier.

Le plateau en marbre veiné a été poncé afin d'uniformiser la surface et de faire disparaître les traces d'usures et les irrégularités. Enfin, le marbre a été lustré et poli pour lui redonner son éclat et sa brillance.

La restauration de cette commode a été un long travail de patience qui nous a permis de redonner à cette très belle commode Transition toute sa splendeur et son élégance.