La mythologie dans les arts décoratifs du XIXe siècle
Publié par Galerie Atena on 03.07.19
"Contre le lambris, peint en blanc, s’alignaient huit chaises d’acajou. Un vieux piano supportait, sous un baromètre, un tas pyramidal de boîtes et de cartons. Deux bergères de tapisserie flanquaient la cheminée en marbre jaune et de style Louis XV. La pendule, au milieu, représentait un temple de Vesta (…)."
Gustave Flaubert, Un cœur simple, 1877.
L'intérieur bourgeois et la vogue des sujets antiques
Au XIXe siècle, la bourgeoisie jouit d’une situation florissante et cette réussite sociale s’exprime notamment par la mise en scène des éléments de décor du salon : les meubles de style, le piano et la cheminée en marbre accueillant la pendule ornée de sujets à l’antique ou mythologiques.
Pendule garniture de cheminée époque Empire
représentant Amour et Psyché d'après Claude Michallon
La Renaissance et la redécouverte du classicisme
La mythologie fut un thème adopté avec enthousiasme par les artistes de la Renaissance, puis de la période baroque, qui remplirent les murs, les plafonds et les objets décoratifs des palais avec les figures légendaires du panthéon classique. En France sous Louis XV, les figures mythologiques voisinent la ligne courbe, la rocaille et les thèmes exotiques.
Paire de sculptures en bronze "Mercure" et "Fortune" d'après Jean de Bologne, artiste Renaissance
L’Antiquité revisitée : le Néo-classicisme
Vers 1750, nait en France le goût pour les sujets antiques. Ce courant artistique connu sous le nom de néoclassicisme, se fondait entre autres sur l’usage d’un répertoire décoratif puisé dans l’histoire et la mythologie gréco-romaines, comme le mythe bachique. Le XIXe siècle poursuit cette fascination pour le classicisme et la civilisation antique, au point d’en faire une doctrine, un style.
"Bacchantes et putti dansant" en bronze d'après Clodion
A partir de la Renaissance et durant quatre siècles, l’art occidental emprunte donc ses modèles à l’Antiquité gréco-romaine. Figures et groupes mythologiques décorent lampes, pendules, coffrets, coupes, candélabres et services en porcelaine ou émail produits par Sèvres et autres manufactures européennes. Les objets d’ameublement ornés de sujets à l’antique étaient synonymes du « bon goût », et très à la mode jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Pendule en albâtre, l'Enlèvement d'Europe d'époque Restauration
Dieux de l’Antiquité
Détail de Diane chasseresse en bronze signée Mathurin Moreau
La légende de Psyché, de Diane chasseresse, de Mercure, et de Bacchus étaient parmi les sujets préférés des artistes. Les groupes de nymphes et des satyres, Léda et Zeus en cygne étaient édités en nombre en bronze, en marbre ou en terre cuite.
Héros de l’Antiquité et sources littéraires
En plus des dieux et des déesses des panthéons grec et romain, on s’attachait également aux personnages des récits de la guerre de Troie, de l’Iliade et de l’Odysée. Rome bénéficie pour sa part, avec l’Enéide de Virgile et les Métamorphoses d'Ovide, de sources tout aussi prestigieuses que les deux épopées d’Homère. Virgile présente dans l’Enéide la chronique du héros troyen Enée, ancêtre mythique du peuple romain. Nos deux gravures d'époque Empire représentent respectivement les amours d’Enée avec la reine de Carthage, Didon, et sa rencontre avec Hélène, la reine de Sparte.
Hélène et Pâris enlacé en marbre et albâtre
L’Amour et le goût pour l’enfance
Mais le motif le plus répandu dans l’imaginaire contemporain fut certainement la figure de l’Amour. Traité en bronze, en biscuit ou en porcelaine, l’Amour revêt les traits d’un enfant chapardeur et espiègle. Il est présenté souvent en compagnie de jeunes femmes jouant de la musique ou préparant ses flèches, comme sur notre service à café en porcelaine d'époque Napoléon III.
Deux amours se disputant un cœur en bronze d'après Etienne-Maurice Falconet
L’Amour est mis en scène dans de nombreux divertissements , parfois accompagnant Vénus, Psyché, ou le cortège de Bacchus. Les Amours dansant ou buvant des coupes de vin, suivant les Bacchantes sur des bouquetins, ornent candélabres et vases et font le délice des amateurs éclairés.
Notre paire d'aiguières en bronze doré de style Renaissance représente un cortège de putti et de Bacchantes célébrant les vendanges. Tous portent des ceps de vigne, des couronnes de lierre et des grappes de raisin. Ils dansent, boivent et jouent de différents instruments de musique.
Amour ou Cupidon est également prétexte aux évocations du tourment amoureux et aux jeux de séduction. Sur ce service en porcelaine d'époque Empire, une jeune femme pleure probablement la perte de son amant, tandis qu'Amour lui tourne le dos et l'abandonne à sa solitude.
Détail de la pendule Amour lisant par Ledure et Hémon
Parfois, Amour est sérieux et pensif comme dans l'Amour boudeur d'Alfred Boucher ou la pendule Amour lisant du bronzier Ledure et l'horloger Hémon.
Mais l'Amour fut le plus souvent représenté sous les traits d’un enfant joyeux et rieur, selon les modèles chers au XVIIIe siècle. Préférant les traits de l’enfant, Cupidon s’impose comme une figure attendrissante, et séduit par sa forme galante et érotique.
Plus rarement, il est représenté selon la tradition iconographique de l’Antiquité sous les traits de l'Éros adolescent, comme par exemple sur cette sculpture en bronze où il s'apprête à lancer une flèche.
Des épopées antiques aux divinités des panthéons grec et romain, des héros chantés par Homère et Virgile, aux personnages historiques de l’Antiquité classique, les récits mythologiques ont inspiré d’innombrables artistes à travers les siècles et ont embelli les meubles ainsi que les décors des châteaux et des appartements bourgeois.
Bibliographie
- Dawson, Aileen, "Mythologie et allégorie", La Manufacture des Lumières : la sculpture à Sèvres de Louis XV à la Révolution, Dijon, Editions Faton, 2015, pp. 128-164.
- Dupuy-Baylet, Marie-France, "Les pendules des premières années du XIXe siècle et leur cortège d'objets mobiliers", dans L'Estampille - Objet d'art, n° 314, Juin 1997, pp. 76-82.
- Impelluso, Lucia, Dieux et héros de l'Antiquité, Paris, Editions Hazan, 2013.
- Lièvre-Crosson, Du classicisme à l'académisme, Editions Milan, 2008.
- "Le triomphe du goût à la grecque dans les arts décoratifs français (1750-1775)", dans L'Estampille - Objet d'art, n° 432, Février 2008, pp. 66-79.