En France, le lit "bateau" a été produit sous le Directoire (1795-1799), et a été très en vogue sous l'Empire et la Restauration. Son nom vient de sa forme qui rassemble à une nacelle, avec la courbure caractéristique et ses chevets identiques.
Les lits Directoire les plus courants ont deux dossiers de même hauteur, et des montant en colonne ou en balustre dégagés. Le bandeau des dossiers, assez large à cette époque, s'enroule vers l'arrière, et est décoré d'un losange. La traverse reste néanmoins droite. Le lit de forme bateau se démocratise et devient une pièce de mobilier courante sous l'Empire. Il conserve les deux dossiers de hauteur égale, incurvés vers l'extérieur en forme de crosse ou de corne d'abondance, et reliés entre eux par une traverse également incurvée, qui prolonge la courbe des dossiers. Plus rarement, un seul dossier peut être présent.
Comme les autres pièces de mobilier, le lit est imposant, majestueux, une vraie pièce d'apparat. Dans les chambres, il n'est plus disposé perpendiculairement au mur, mais le long du plus grand pan de mur. On parle de lit "à la duchesse" lorsque le baldaquin recouvre toute la couche, et "à l'ange" si le dais est réduit à la demi-longueur de la couche. Le lit "à la polonaise" est surmonté d'une couronne ou un ciel de lit, d'où retombent des rideaux ou des voilages.
Le décor du lit "bateau" sous l'Empire
Sous l'Empire, l'ornementation de bronze, répartie avec parcimonie et un grand souci de symétrie, est particulièrement remarquable. Les montants du lit "bateau", assez larges, ainsi que la traverse, sont ornés de garnitures de bronzes dorés qui en soulignent la structure. Ce décor solennel étant fait pour être vu de face, la partie côté mur ne reçoit pas de décoration.
Les modèles les plus fameux, réalisés par G. Jacob ou autres menuisiers ébénistes célèbres, ont des décors riches, mythologiques ou allégoriques et de grande qualité, comme l'exemplaire conservé aux Musée des Arts décoratifs à Paris, dont le décor autour d'Amour et Psyché est une déclinaison du thème du sommeil.
Parmi les motifs favoris, on retrouve la palmette stylisée d'inspiration égyptienne, les feuilles de chêne, de laurier ou de lierre, parfois disposées en couronne, le sphinx, les cygnes, les dauphins, les lions ailés, les abeilles, les aigles, les lyres, les trophées et les étoiles. Tous ces motifs plats ou en relief, apposés sur les cadres de lit, sont admirables par la ciselure fine et le modelé précis.
Les lits "bateaux" dans la collection d'Atena
Les deux cadres de lit "bateau" dans nos collections sont des modèles de haute qualité, qui illustrent merveilleusement bien l'esthétique Empire. A la fois simples et imposants, lourds et délicats, ils dégagent une grandeur qui n'est pas dépourvue de beauté.
Le lit en acajou et placage d'acajou réalisé vers 1810 est un modèle d'exception, attribué au fameux menuisier et ébéniste Jacob Frères. Le décor en bronze de feuilles de pavot d'une remarquable finesse, est attribué au bronzier Thomire.
Georges Jacob (1739-1814), reçu maître en 1765, est le plus célèbre menuisier et ébéniste du XVIIIe siècle, fondateur d'une dynastie, avec deux de ses fils, Georges II Jacob (1768-1803) et François-Honoré-Georges Jacob-Desmalter (1770-1841), puis son petit-fils Alphonse Jacob- Desmalter (1799-1870). A partir de 1777, Georges Jacob devient le fournisseur attitré du garde meuble de la Couronne. C'est à ce titre qu'il participe à l'ameublement de nombreux châteaux et résidences royales ou princières en France et dans d'autres pays d'Europe. Spécialiste en sièges au XVIIIème siècle, il élargit sa production au début du XIXe siècle. Très prolifique, il réalise de nombreux mobiliers innovants, notamment pour Versailles, Rambouillet, Saint-Cloud et Fontainebleau.
Pierre-Philippe Thomire (1751-1843), bronzier, ciseleur et fondeur réputé, est un orfèvre du bronze. Inventeur de la dorure "au mat" par immersion du bronze à chaud dans une solution saline, Thomire devient le fournisseur officiel de Marie-Antoinette pour des services d'argenterie. Mais c'est sous l'Empire qui atteint sa grande notoriété, réalisant des flambeaux, des candélabres et des lustres destinés aux palais impériaux. Il exécute également de somptueux surtouts de table pour les Tuileries. Thomire réalise l'ornementation de pièces de mobilier - dont la plus célèbre est le berceau du roi de Rome, et collabore avec l'orfèvre Claude Odiot. Des détails stylistiques caractéristiques de son travail sont repérables, comme les feuilles de pavot qui ornent plusieurs lits attribués à Jacob Frères et Thomire, comme par exemple, le lit "bateau" vendu par Sotheby's à Londres, en 2012.
Notre deuxième cadre de lit en acajou et placage d'acajou flammé a une décoration encore plus épurée, qui habille seulement la face principale. Les bronzes très finement ciselés, sont repartis symétriquement sur la traverse et les dossiers, et ressortent sur les masses sombres, en bois. Les motifs plats, d'origine végétale, se remarquent par la préciosité de leur ciselure. A la différence du modèle précédent, la traverse de ce deuxième lit est incurvée, et prolonge la courbe des dossiers, toujours à hauteur égale, et fortement incurvés vers l'extérieur en forme de crosse.
Enfin, le modèle dit "à la polonaise" est présent avec ce majestueux lit "bateau" Empire muni d'un ciel rond soutenant des rideaux en soie, à rayures. Son décor exceptionnel en bronze doré illustre la légende de l'Amour et Psyché, très appréciée pendant la période néoclassique.