Comment sont réalisés les biscuits de porcelaine ?
Publié par Galerie Atena on 23.06.22
Dans notre article précédent, nous avons découvert la riche Histoire du biscuit de porcelaine. Cette fois ci, tournons nous vers les techniques de créations de ces objets d'exception.
Avant la création d’un objet, il faut les bons matériaux. Dans la pâte à porcelaine, on trouve en majorité du kaolin à 70 % qui lui donne sa blancheur auquel on ajoute du feldspath pour diminuer la température de fusion et du quartz pour la translucidité. Au XVIIIème siècle, il s’agit d’une recette expérimentale qui s’apparente un peu à une recette de cuisine. Aujourd’hui, les moulins qui préparent les pâtes suivent une formule proche de celle établie par Alexandre Brongniart, directeur de la manufacture au XIXème siècle. Les minéraux sont broyés sous des meules de granit jusqu’à avoir la taille de grains de riz. Le résultat est ensuite mélangé avec de l’eau en quantité équivalente pour aller dans un nouveau broyeur cylindrique rempli de galets de mer. Celui-ci doit tourner entre 15 et 20 heures.
On obtient ce qu’on appelle de la barbotine que l’on place dans une cuve d’attente qui est régulièrement agitée pour éviter la sédimentation. Ont lieu alors des processus de vérification de la pâte. Elle est passée à travers un tamis en toile métallique avec des trous de 0,06mm. Ce qui reste dans le tamis, le refus, ne doit pas dépasser 2 % de la production. Si on récupère moins, la pâte risque de s’affaisser pendant la cuisson tandis que si on récupère plus, c’est que le broyage est insuffisant. On s’assure aussi qu’il n’y a pas de fer à l’aide d’un aimant. En effet, à la cuisson, le fer donne des taches brunes qui gâchent environ 3 % des pièces produites. Dans la majorité des cas, malgré les efforts, on ne peut déterminer la présence de fer qu’après la cuisson.
Biscuit "Les travaux des Amours" d'après Etienne Maurice Falconet
Pour le modèle, on fait souvent appel à un sculpteur reconnu. Ce fut le cas d’Etienne Maurice Falconet en 1754, sculpteur de l’Académie de peinture et de sculpture. Cela permet d’apporter de la renommée aux ateliers ainsi que des talents inspirés à travailler avec un maître. De nos jours, les manufactures font souvent des collaborations avec des artistes contemporains pour créer des pièces d’exception et faire preuve d’innovation malgré une technique ancienne. Cependant, la pâte à porcelaine étant très peu plastique, on ne peut pas sculpter dedans. Elle s’assèche rapidement ce qui mène à de nombreuses fissures et déformations. Le sculpteur doit donc faire un modèle qui servira à faire des moules. Le modèle est en général 15% plus grand que la pièce voulue à la fin pour anticiper les retraits successifs. Cette sculpture de départ est délivrée en terre crue, car elle va être découpée en différents morceaux pour faire des moules.
On va prendre l’empreinte des différentes pièces afin de créer une première ronde de moules. Pour un biscuit, on réalise entre 10 et 80 moules en fonction de la complexité du modèle. Cela permet de prendre tous les détails des figures. Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’artisan va réaliser deux séries de moules (ou ronde de moules) pour réaliser l’œuvre : les moules plâtres et les moules-pâte.
Les moules plâtres serviront à recréer l’œuvre en plâtre qui servira de modèle au mouleur-repareur. Afin de faciliter de démoulage, on enduit le modèle d’une fine couche de savon lubrifiant. Ensuite, on saupoudre le plâtre en poudre dans un récipient avec de l’eau. Celui-ci est déposé à la cuillère autour du modèle puis poli à la lame et au papier de verre fin. L’ensemble est savonné et séché. Nous avons nos premiers moules. Tous les morceaux obtenus sont retouchés pour donner la finesse de la sculpture d’origine. On lui retire les coutures, qui sont les lignes aux jointures des deux pièces du moule.
De ce modèle-ci, on réalise alors les moules-pâte qui sont là pour faire l’œuvre à proprement parler. Chacun de ces moules à une durée de vie limitée entre 15 et 20 utilisations avant de perdre en précision ou en porosité. On dépose une fine couche de pâte à porcelaine d’environ 5 à 8mm d’épaisseur appelée croûte sur une moitié du moule, cela va permettre de capturer tous les détails. La croûte est comprimée à l’éponge puis à la main. Afin de donner plus de solidité à la pièce, on recharge certaines parties à l’aide de boulettes de pâtes qui rendront l’épaisseur finale. C’est le moment de joindre les deux pièces. Le mouleur-repareur strie et enduit les jointures de barbotine. Une fois le moule fermé, il le frappe avec une mailloche amortie par du cuir pour garantir l’adhésion des deux parties.
C’est là que l'utilisation du plâtre a son utilité. Étant donné sa porosité, il absorbe l’eau contenue dans la pâte à porcelaine. Il se produit alors ce qu’on appelle le retrait, la porcelaine se rétracte et devient plus ferme. Cela permet un démoulage sans risque de casse et sans perte de matière. Les pièces obtenues sont conservées dans un coffre humide avant d’être montées ensemble et retouchées. À cette étape, l’artisan réalise les petites décorations, comme les fleurs ou les feuillages, par pastillage. Il utilise des petites pastilles de porcelaine qu’il sculpte à la main pour créer des éléments de décor.
La cuisson aura lieu plusieurs semaines après afin de permettre le séchage de la pièce. L’artisan va alors apposer des cales afin d’éviter les déformations dans le four. Au XVIIIème siècle, on utilisait des fours en brique de forme ronde alimentée au bois. Aujourd’hui, on utilise des fours au gaz. La montée de la chaleur du four se fait de manière progressive et cela pouvait prendre jusqu’à une semaine pour atteindre la température maximale entre 1245° C et 1400 °C. Aujourd’hui, la durée est plus proche de 24 h. Cette montée lente permet d’éviter l’explosion des biscuits qui peut avoir lieu avec les chocs de températures.
Une fois la pièce cuite, le travail n’est pas fini. Le mouleur-repareur doit faire disparaître les coutures et retoucher les éventuels détails perdus en utilisant le modèle plâtre comme référence. Cette opération s’appelle le reparage, d’où le nom de l’artisan. Son travail de sculpture rend chaque pièce unique malgré un procédé de moulage puisque l’artisan travaille lui-même la matière. La qualité de l’objet final dépend énormément du soin du mouleur. Enfin, il polit la pièce terminée à la pierre dure pour lui donner tout son éclat.
Conclusion
Biscuit "femme à l'amphore", réalisée par la manufacture Royal Dux Bohemia
Le travail du biscuit est long et minutieux. Une figure en biscuit unique représentant un seul personnage prend environ 9 mois de travail. Les groupes jusqu’à un an. Les pièces que nous avons aujourd’hui sont des témoins de la grande précision des manufactures du monde entier au cours des siècles où le biscuit a été produit. Décorer son intérieur avec un biscuit de porcelaine, c’est avoir un objet d’exception qui reflète une longue histoire de l’artisanat européen. Entre concurrence économique et recherche du Beau, le biscuit, bien que blanc, nous en a fait voir de toutes les couleurs.