Le Bargueño, cabinet espagnol du XVIIème siècle
Publié par Galerie Atena on 15.06.22
Un Bargueño est un type de cabinet d’écriture (« escritorio »)
espagnol qui apparaît au début du XVe siècle. Cependant, le terme n’est créé qu’en 1872 par Juan Facundo Riaño, historien de l’Art espagnol. Il fait référence à la
petite ville de Bargas, près de Tolède, où se trouvait
le centre de production des marqueteries réalisées aux XVIe et XVIIe siècles. Ce meuble est composé d’un coffre, le Bargueño, généralement
posé sur un piètement qui peut être une table à arcatures (« pie de puente ») ou une commode à tiroirs (« taquillon »)
comme l’exemplaire de notre collection. Le coffre s’ouvre par un abattant fermé
à clé pour découvrir une multiplicité de tiroirs dont plusieurs à secret.
Ce cabinet, avant tout utilitaire, présente un décor
très sobre avec des lignes rigides et carrées. Les panneaux en bois de chêne,
noyer ou châtaignier mettent en valeur la force de l’objet et son caractère
imposant. Sa forme simple et ses poignées
latérales le rend facilement transportable. Jusqu’au milieu du XVIIIème siècle, les éléments mobiliers suivaient leurs
propriétaires dans leurs différentes demeures. Les meubles devaient donc être
capables de supporter de longs trajets. Cette caractéristique lui permit de
devenir le meuble par excellence des conquistadors et des missionnaires
explorant le « Nouveau Monde ». Puisqu’il peut à la fois contenir les effets
administratifs, diplomatiques et personnels, les Espagnols en firent un élément
essentiel de leurs voyages en Amérique.
À cette allure massive s’ajoute de lourdes charnières et des loquets en
fer forgé ajourés inspirés de l’artisanat du Proche-Orient. Ils reprennent le
style mudéjar influencé par la civilisation islamique présente en Espagne
jusqu’à la chute de Grenade en 1492. Ces décors répétitifs sont inscrits dans
des formes géométriques. On y trouve parfois des éléments en velours ou
textiles rouges qui ont pu disparaitre avec le temps en raison de leur fragilité.
Ces éléments décoratifs sont tellement appréciés
que l’on peut aujourd’hui trouver sur le marché de l’art ce travail de
ferronnerie vendu séparément. Certaines serrures furent même démantelées de
leur meuble d’origine pour satisfaire le goût de collectionneurs du XIXème siècle. Notre Bargueño a conservé
sa riche serrure à double moraillon en forme de tours et de grenades, une
représentation des riches maisons espagnoles qui ont pu accueillir un pareil
meuble.
À l’origine, meuble de sacristie utilisé pour accueillir des objets de
cultes (vêtements, vases ou coupes liturgiques), le Bargueño
garde une trace de cet usage dans la symbolique de ces décors.
Les tirettes en forme de coquilles sont un souvenir des coffres portatifs
utilisés par les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle tandis que la grenade
est symbole de fertilité, mais surtout de résurrection du Christ. S’il n’est
plus un meuble religieux à proprement parler, il garde une dimension mystique
par ses compartiments cachés.
Atteignant son plus grand succès à la période baroque, il joue sur le
goût de la dramatisation avec une volonté de surprendre le spectateur. En
effet, derrière une façade rustique, se cache un décor sophistiqué d’influence
italienne sous l’impulsion de l’architecte Juan de Herera.
Organisés de manière symétrique, les tiroirs et compartiments cachés utilisent
le vocabulaire architectural des temples avec des colonnades et frontons
cintrés. Se dévoile une marqueterie de bois et d’os de plus en plus fine et
détaillée mettant en avant le savoir-faire et les techniques des ébénistes. Le
propriétaire peut ainsi impressionner son auditoire en dévoilant les différents
compartiments, mais aussi en y exposant ses collections de curiosités.
À la fin du XVIIème siècle, le Bargueño
perd sa fonction de voyage pour devenir un meuble de prestige présent dans
toutes les grandes demeures espagnoles. Face aux cabinets italiens et allemands
qui dominent alors le marché européen, il perd son abattant pour devenir un
cabinet aux simples fonctions de décoration et de rangements de collections
d’objets précieux.
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