Après la défaite de Napoléon à Waterloo le 18 juin 1815, le pouvoir est repris en France par les deux frères de Louis XVI : le comte de Provence, qui règnera sous le nom de Louis XVIII (1815-1823), puis le comte d’Artois, connu sous le nom de Charles X, qui gouvernera jusqu'en 1830, quand il est renversé par la révolution de Juillet, et remplacé par un nouveau roi, Louis-Philippe Ier (1830-1848).
Cette période connue sous le nom de Restauration (1815-1830) est d’abord une réaction contre les fastes et la pompe de l’Empire. Elle impose dans l'ameublement et la décoration une élégance et un raffinement que le goût de Napoléon pour la grandeur et l’éclat avait, d'une certaine manière, obscurcis. Mais, sous la Restauration, ce ne sont plus les commandes de la famille royale ni celles des riches aristocrates qui donnent le ton. La mode s'adapte désormais aux besoins et au goût de la nouvelle société bourgeoise, qui loue à Paris des appartements plus ou moins cossus, adaptés à la vie de famille.
Guéridon en placage d'érable moucheté, époque Charles X
La conception du confort est influencée d'un certain art de vivre anglais. Des meubles de style Regency sont importés d'Angleterre, notamment des commodes. L’acajou, jugé trop lourd, est remplacé par les bois blonds. Les meubles imposants, ornés de bronzes, font place aux meubles de dimensions réduites, finement découpés ou incrustés. Comme sous la Régence un siècle plus tôt, on renonce aux vastes salles des palais officiels pour redécouvrir le charme de l’intimité des petits salons et des boudoirs.
Mais ce changement de style ne met pas en cause certains éléments essentiels du décor, qui reste profondément inspiré de l’époque précédente. Ainsi, la Restauration poursuit la tradition néo-classique chérie par Napoléon Ier et la porte à un degré de raffinement sans précédent.
Parallèlement, le romantisme cherche son inspiration dans un Moyen Âge imaginaire qui mêle à l’ornementation classique du décor les rosaces, les festons et les ogives des cathédrales gothiques, en vogue sous Charles X.
Vase à décor gothique de Jean-Baptiste Desvignes
Les meubles, les matériaux et les techniques
Les meubles Restauration dégagent une harmonie élégante : ils sont gracieux, confortables, légers et facilement maniables. En règle générale, ils conservent les formes sobres, légèrement galbées de l'Empire. Néanmoins, la structure s’adoucit, les dimensions sont réduites pour s’adapter aux intérieurs plus restreints et les courbes se manifestent de plus en plus sous forme de volutes, d’arabesques, d’accotoirs à crosses et de pieds sabre.
Le mobilier d'époque Restauration est composé des pièces jugées essentielles : commodes pour faciliter le rangement, grandes tables rondes pour la salle à manger, bureaux plats ou secrétaires, armoires et parfois coiffeuses dans la chambre.
Dans le salon, le canapé méridienne lancé sous l’Empire est encore de mise. Des petites tables et des guéridons au dessus de marbre sont disposés à proximité de divers types de sièges à l’assise confortable, dont les fauteuils en gondole. Les sièges s’adaptent à ce style en présentant des dossiers découpés en fenestrages gothiques, flanqués de montants qui se terminent par des clochetons inspirés de pinacles de pierre des cathédrales. Aux éléments stylistiques des monuments et des meubles du Moyen Age s’ajoutent parfois des motifs de la Renaissance.
Les artisans de cette époque emploient avec la même habileté la technique du placage du bois, du bois massif et de l'incrustation.
Le mobilier Restauration se caractérise par l'emploi de bois clairs (l'orme, le frêne, le hêtre tacheté, le sycomore, l'érable ambré, le citronnier, l'oranger) incrustés de bois foncés (l'acajou, le palissandre et l'amarante). Plus rarement, et principalement pendant le règne de Charles X, les bois sombres sont incrustés de bois blonds, de filets de sycomore ou de citronnier en particulier.
Les motifs incrustés réalisés par les menuisiers et ébénistes de cette époque sont d’une qualité et d’une finesse exceptionnelles. Les décors de filets, de rosaces, de palmettes stylisées, de branchages fleuris et de rinceaux sont exécutés très finement, et s'apparentent à un vrai travail d'orfèvrerie. Ils jouent le même rôle décoratif que les bronzes dorés qui ornent le mobilier Empire, utilisés d'ailleurs comme source d'inspiration.
L'ornementation
L’ornementation, légère et très raffinée, souligne la structure des meubles. La mouluration, abandonnée sous l’Empire réapparaît délicatement sur les consoles, les secrétaires, les tables et les meubles imposants tels que les bibliothèques.
Certains motifs décoratifs du style Empire subsistent, mais sous une forme simplifiée. Parmi les plus utilisés, il y a la palmette - plus ronde, plus petite et stylisée, la corne d’abondance, la lyre, le cygne, l'étoile, et les dauphins. Plus rarement, on retrouve les chimères, les griffons et les chevaux marins. Cependant, les motifs Restauration se distinguent des motifs Empire par la manière dont ils sont traités, beaucoup plus légère et moins solennelle qu’à l’époque précédente.
Parmi les motifs classiques, on retrouve les oves, les rangs de perles, les rinceaux de feuillages, les godrons, les fleurettes en guirlandes ou en bouquets, les rubans et les couronnes de fleurs.
En plus des motifs allégoriques et antiques (Amours, Psychés, Adonis, colonnes, piastres, corniches droites) hérités de l’époque précédente, les motifs gothiques envahissent meubles et objets, et constituent la nouveauté de cette période. Les objets du quotidien des plus modestes aux plus luxueux dits "à la cathédrale" ou "troubadour" tel que les vases, les pendules, les flambeaux, les encriers, les flacons et les coffrets se couvrent des détails inspirés des fenestrages, des rosaces, des arcs boutants, d’arcatures, des festons, des dentelures et des clochetons en pierre. Sous Charles X, le goût "gothique" fut la première réaction à l'omniprésent style antique défini par Percier et Fontaine au début du XIXe siècle.
La verrerie Restauration
Un domaine qui connaît une période d’apogée au milieu des années 1820, est la verrerie. On attribue à l’époque de Charles X, ce qu’il y a de plus raffiné et de plus somptueux en cristal taillé. En effet, les années 1815-1830 représentent un véritable âge d’or du verre en France dont la renommée fut internationale grâce aux productions d’exception de cristalleries Baccarat, Creusot, Choisy-le-Roi et Bercy.
Les objets en cristal moulé ou taillés en pointe de diamant, remarquables par leur qualité, sont montés en argent ou bronze doré, très finement ciselé de dauphins, de cygnes ou de cornes d’abondance. Souvent, de têtes de bélier ou de serpents enroulés forment les anses.
Coffret à bijoux en cristal taillé et monture en bronze, époque Charles X
Après 1814, les formes n’étant plus dictées par la Cour et n’obéissant donc plus à un programme esthétique bien précis, sont inspirées par les classes récemment enrichies qui imposent leur goût aux objets à la mode comme les verres couleur d’opale.
L’opaline est utilisée pour fabriquer des coffrets, des flacons et des vases. Vers 1820, les progrès techniques de l’industrie du verre marquent l’histoire de l’opaline qui voit surgir de nouvelles formes et décors. C’est à cette période que les vases dits "cornets", les flacons ronds à bouchons boules, les bols, les bonbonnières, les caves à odeur et autres objets de fantaisie font leur apparition. Les montures en bronze sont finement ciselées de motifs communs pour la plupart à la Restauration et à l’Empire, tels que le dauphin, le cygne, les colombes ou les oiseaux buveurs.
Paire de vases en opaline à décor Desvignes, circa 1820
Dans ce contexte, Jean-Baptiste Desvignes (1786-1826), peintre et doreur sur verre, cristal et porcelaine, trouve le moyen de peindre sur opaline. Il se sert de feuilles d'or ou d'argent et de couleurs uniquement végétales qu'il colle sur le cristal d'opale. Les tons mats se limitent au bleu sombre et au rouge. La dorure domine, sous forme de motifs aux dessins clairs et fins en palmettes, fleurettes et guirlandes. Sur certains coffres et coupes, Desvignes pose des décors "gothiques". Il exécute aussi de petites scènes illustratives inspirées par les fables de la Fontaine, aux teintes délicatement assourdies, bleu, vert doux, ocre, mauve, avec des taches dorées ou argentées.
Les flacons en verre "overlay" connaissent également un grand succès sous Charles X. Ce procédé de décoration consiste à doubler le cristal d'une couche d'émail blanc ou de couleur. Il a été découvert par l'anglais Joseph Prince de Durham, qui dépose son brevet en 1814. Formé par deux couches de verre, demi-cristal ou cristal de couleurs différentes, le décor se fabrique à partir de deux méthodes différentes correspondant à un doublage soit intérieur, soit extérieur. Dans la plupart des cas, la couche extérieure se réalise en émail blanc ou de couleur. Le doublage nécessite un décor taillé. Permettant de découvrir la couche intérieure, le tailleur entame la couche extérieure et crée différents décors tels que les pontils, les côtes creuses, le damier, les étoiles, ou encore les cordons. La France importe aussitôt ce procédé. A partir de 1828, la cristallerie de Bercy fabrique de l'opaline overlay, suivie quelque temps plus tard, de celle de Choissy-le-Roi. Vers 1839, Baccarat commence à produire des pièces doublées. En 1844, Saint-Louis réalise aussi des objets doublés et même triplés.
Service à liqueur en cristal, époque Charles X
Le verre et le cristal d’opale d'époque Restauration restent incomparables par la simplicité et la pureté des formes, la délicatesse des nuances, la finesse de la ciselure, qui se font de plus en plus rares après le temps de Charles X.