L'ornementation de style Empire

L'ornementation de style Empire

Le style Empire, un style de propagande

À la fin du XVIIIe siècle, la Rome Antique est célébrée à la fois pour sa grandeur politique et pour ce que l’on pouvait considérer comme l’apogée de l’esthétique et de ses canons du beau idéal. C’est Napoléon Ier (1804-1815) qui dans un besoin d’asseoir la monarchie nouvellement en place, va donner naissance à ce style sévère et imposant, où le mobilier se voit rehaussé de symboles antiques appliqués en bronze dorés. Le  style Empire en mêlant matériaux nobles et emblèmes antiques, met tout simplement l’art au service du pouvoir.

Mobilier Empire Galerie Atena

L’ameublement d’intérieur

Afin de définir les contours de ce nouveau « style Empire », Napoléon nommera Charles Percier (1764-1838) et Pierre-François-Léonard Fontaine (1762-1853) en tant qu’architectes du gouvernement. Ils organiseront tous les arts de l’Empire et redécoreront les résidences officielles. Le mobilier se voit alors plaqué d’acajou pour les plus grandes demeures, ou est plus modestement fabriqué en bois indigènes tels que le noyer, l’orme, le frêne, l’hêtre doré parfois teinté "façon acajou" pour les résidences bourgeoises.

Comment reconnaître le style Empire ?

Recueil de décorations intérieures édité en 1801 et 1812. Les architectes de Napoléon enrichissent galement une vision de l'antiquité, découverte à la suite de leurs différents voyages à Rome. D'autres ornemanistes et essinateurs influents comme Jean-Démosthène Dugourc (1749-1825) avec son goût marqué pour l'Antique ou La Mésangère avec ses recueils "Collection de meubles et objets de goût" nous sont connus. Parmi ces éléments de décor, la plupart sont issus du vocabulaire ornemental gréco-romain, mais nombreux font aussi appel à des motifs égyptiens, végétaux, géométriques et animaliers.

Les motifs d'ornementation

Les motifs gréco-romains

Les motifs gréco-romains

  • La Victoire ailée

La Victoire est considérée sous l’Empire romain comme la déesse personnelle de l’Empereur. En ornementation elle est souvent représentée ailée, tenant une couronne de laurier et soufflant dans une trompette.

  • Le trophée (motif gréco-romain)

Motif ornemental formé d’un amas d’armes et d’armures tels que carquois, épée, casque, lance, cuirasse etc. Le motif représente le plus souvent des objets en pleine chute. Le nom de « trophée » est par analogie donné à un groupe ornemental d’attributs divers tels que des instruments de musique ou de tout autre objet figurant un art ou un domaine particulier. Le trophée, symbole de pouvoir se retrouve à la fois sur des consoles, des appliques ou encore des objets de collections tels que des coffrets en bois marqueté.

  • L’arc et flèches (motif gréco-romain)

C’est un élément décoratif qui prend sa source sous l’Empire romain. En effet, dans la Rome antique l’arc et les flèches ont été considérés comme une arme puissante  dès les débuts de l’Empire en les figurant dans les mains des empereurs et des dieux. Ils sont ainsi devenus le symbole du pouvoir impérial romain. C’est toujours dans cette intention de se mesurer à la grandeur de la Rome Antique que le « style Empire » de Napoléon reprendra ce motif ornemental.

  • Le cygne

C’est le motif préféré de l’Impératrice Joséphine. Nous savons qu’elle fera venir deux cygnes noirs d’Australie dans le cadre de l’expédition « Voyage aux terres australes » et qu’elle réussira leur élevage en captivité. Très attachée à cet animal délicat, c’est tout naturellement qu’elle le fera figurer sur ses armes.

  • La tête de lion (dit Musequin)

Tête de lion portant un anneau dans sa gueule, utilisée habituellement sous forme de poignée de tiroirs etc. Le lion est à la fois symbole de force, de puissance et de souveraineté. Il est très souvent représenté comme le gardien des portes des palais et temples, le faire figurer sur du mobilier fermé prend donc tout son sens.

  • Buste d’égyptienne

Cette représentation de buste d’Égyptienne flanquée dans une gaine apparaît bien avant la campagne d’Egypte de Napoléon (1788-1790) c’est-à-dire vers la fin du règne de Louis XVI (1754-1793). Cet ornement est utilisé en abondance sous les styles Directoire et Empire et en devient caractéristique.

  • La sphinge

Femme à corps de lion, dans la Grèce antique, la sphinge est considérée comme une source de sagesse énigmatique. Elle est représentée avec la tête et la poitrine d’une femme, un corps de lion et parfois des ailes. Dans le mobilier Empire elle s’installe souvent dans les encoignures.

Les motifs d’origine végétale

Les motifs d'origine végétale

  • La feuille d’acanthe et les rinceaux de feuilles d’acanthe (motif gréco-romain)

Fleur des bords de la Méditerranée aux feuilles nervurées et découpées qui, depuis l’Antiquité, a inspiré une foule d’ornements elle est un élément incontournable de l'ornementation. On peut distinguer l’acanthe molle ou cultivée qui, dès le milieu du Ve siècle est le motif principal du chapiteau corinthien. Elle est représentée sous sa forme sauvage, stylisée ou réaliste. Élargie et échancrée sous Louis XV elle se simplifie dès le règne de Louis XVI pour devenir plus proche de l’ache, du céleri, du chardon ou encore du persil. Sous sa forme « rinceau » elle est sculptée en un rameau ondoyant dans les creux duquel se greffent en alternance des rameaux secondaires en volutes. Cette ornementation est inventée en Grèce mais est utilisée par la suite à toutes les époques.

  • La palmette (motif gréco-romain)

Ce motif végétal égyptien est formé de lobes allongés disposés en éventail. Il serait inspiré par la feuille de palmier. La palmette est l’ornement par excellence du mobilier Empire et se voit entrer dans la composition des anthémions, motifs répétitifs formant frise.

  • La corne d’abondance (cornucopia) (motif gréco-romain)

C’est une corne remplie de fleurs, fruit et feuilles. Ce motif trouve son origine dans la mythologie grecque. Zeus qui a été recueilli par une nymphe à sa naissance, était nourri par une chèvre du nom d’Amalthée. Il arriva un jour où Zeus en jouant, cassa une corne de la chèvre et l’offrit à sa nourrice en lui faisant la promesse que cette corne serait toujours remplie de tous les fruits qu’elle désirerait. Cet élément symbole de profusion est très apprécié sur l'horlogerie et les bronzes.

  • Les vagues

Motif linéaire formé de ruban ondulés représentant l’eau vive, il est utilisé sur les objets en bronze ciselé comme ornement de ceinture.

  • Les rosaces

Ce motif végétal figurant une grosse fleur dont les pétales seraient disposés en cercles concentriques. Elle est le plus souvent représentés à 6 lobes dans le style Empire.

  • La couronne de laurier

Attribut d’Apollon, le laurier symbolise d’abord la gloire poétique puis deviendra le symbole romain du succès athlétique et de la victoire militaire. Le style Empire, comme le style Louis XVII avant lui fera de ce motif l’un de ses éléments décoratifs favoris.

Les motifs géométriques

Les motifs géométriques

  • Godrons, oves et dard

Le godron est un motif renflé et allongé, à l’extrémité arrondie qui comme dans les cannelures, peut être séparée par des feuilles. Les oves et les dards se retrouvent en alternance comme ornement d’architecture. Dans le mobilier Empire ils sont utilisés en motifs de contour.

  • Rais-de-cœur (motif gréco-romain)

Ce motif répétitif présente une alternance de feuilles imbriquées dans lesquelles la nervure centrale dessine la forme d’un cœur. Le rais de cœur peut être accompagné d’un motif secondaire tel que la palmette.

  • Entrelacs

À l'instar des rais de cœur, godrons, oves et dard, ce motif de lignes qui s’entrecroisent en courbes et volutes se définit comme étant un motif de frise, ornant le plus souvent les ceintures du mobilier de style Empire.

Colonnes et ordres

Le style Empire emprunte aussi à l'architecture gréco-romaine, c'est ainsi que les colonnes à chapiteaux font leur apparition dans le mobilier et l'ameublement: droites, à fûts cannelés, rehaussées de lauriers en bronze doré ou encore de chapiteaux et de base de métal doré, les colonnes Empire s'approprient aussi les ordres architecturaux grecs. Cependant, les architectes de Napoléon n'hésitent pas à composer, en mêlant fûts lisses et chapiteaux moulurés, faisant parfois fi des convenances antiques. C'est probablement l'une des raisons pour laquelle la réintroduction des colonnes à l'antique dans l'ameublement sera un grand succès et que leur production s'étalera jusqu'à la fin du 19ème siècle.

  • L'ordre toscan

C'est un ordre romain sobre, le fût de sa colonne est lisse et l'échine est empruntée à l'ordre dorique grec contemporain.

  • L'ordre dorique

C'est l'ordre le plus ancien (existant au Parthénon d'Athènes), il est composé d'une colonne à fût cannelé et son chapiteau se décompose de bas en haut. Le mot "dorique" vient de Dorôs fils d'Hellen qui, selon Vitruve, aurait inventé cet ordre. Nous possédons une paire de sellettes doriques illustrant bien cet ordre.

  • L'ordre ionique

Cet ordre trouve son origine dans la région Ionie (Asie mineure) dans laquelle nous en avons de nombreux exemples. Sa colonne est élancée, le fût cannelé et le chapiteau est caractérisé par son coussinet à volutes disposé entre le plateau et le fût (l'échine et l'abaque) ainsi que par son chapiteau marqué d'un filet de perles et de motifs d'oves et dards. Notre sellette en marbre rouge du Languedoc présentant un chapiteau d'ordre ionique en est un bon exemple.

  • L'ordre corinthien

Cet ordre originaire de Corinthe se caractérise par un chapiteau ornementé de moulures de feuilles d'acanthes s'épanouissant en une double couronne, de motifs de fleurons et d'hélices. Le chapiteau corinthien étant le plus richement fourni, il sera reprit comme modèle dès la Renaissance et naturellement sous l'Empire. Cette importante sellette de la fin du 19e siècle en est un parfait exemple.

  • L'ordre composite

C'est une altération de l'ordre corinthien dans laquelle nous retrouvons une superposition d'ordres doriques, ioniques et corinthiens. La base est ionique, le fût dorique et le chapiteau ionique (par ses volutes) et corinthien (par ses feuilles d'acanthes). Notre importante paire de colonnes composite en marbre rose figure bien cet ordre.

Paire de colonnes en marbre XIXe siècle

Colonnes à chapiteaux composites en marbre et bronze doré


Le style Empire s'installe et s'impose au mobilier par son allure rigide, ses lignes droites mais surtout par ses décors en bronze. Symétrique, le mobilier Empire est droit et massif, il est composé d'acajou ou placage d'acajou et d'ornements en bronze dorés, mats ou brillants et ciselés. Les bureaux, les armoires, les fauteuils, les horloges-pendules de style Empire sont toujours ornés d'éléments de décor du répertoire antique. Le regain d'attrait que connaît ce style depuis quelques temps fait de lui un incontournable sur le marché de l'art et des antiquités.

Bibliographie :

THOMAS Évelyne, Vocabulaire illustré de l'ornement, par le décor de l'architecture et des autres arts, Paris, Éditions Eyrolles, 2016.
DERROITTE Luc, Dictionnaire de l'Ornement, Paris, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2012