Le Rocaille, l’histoire d’un ornement
Publié par Galerie Atena on 25.01.21
L’ornement rocaille, souvent évoqué en opposition avec l’antique, est apparu dans l’Europe baroque et s’est développé jusqu’à transformer la structure même des meubles et des objets. Les pièces de la Galerie Atena créées entre 1720 et 1890, soulignent la vigueur extraordinaire de cette grammaire ornementale et son pouvoir de renouvellement pendant plus d’un siècle. La spontanéité d’une inspiration libérée de toute symétrie et règle formelle est visible à travers des meubles sculptés alors que l’extrême sophistication des compositions est révélée par des petits guéridons, des pendules, des luminaires et des petits objets de collection.
Miroir à poser de style rocaille en bronze doré
Que signifie le terme "rocaille" ?
Le rocaille est un ornement en vogue dans les années 1730, caractérisé par la représentation des éléments de la nature (coquillages, rochers, grottes, feuillages...) dans des formes contournées.
Rocaille est le titre donné à une estampe réalisée en 1737 par l'architecte et graveur français Claude Augustin Duflos le Jeune (1703-1770), d'après François Boucher. Sur une série de quatre estampes, celle-ci est la seule que ne comporte aucune représentation humaine. En revanche, la composition met en scène un assemblage de coquillages et d'ornements végétaux avec, à l'arrière plan, un jardin. L'ensemble est asymétrique, déchiqueté et fantasque. Chaque élément est inspiré de la nature mais transformé par l'imagination de l'artiste.
Le rocaille imitant les reliefs tourmentés des rochers naturels, généralement agrémentés de coquillages, servait à la composition de fausses grottes et de fontaines dans les parcs et jardins. Cette tradition des grottes de rocaille et des coquillages font que les deux termes sont souvent associés. L'intérêt pour les coquillages en France au XVIIIe siècle est également dû au développement des collections d'objets d'histoire naturelle et des cabinets de curiosités, remplis de choses rares et singulières : fosiles, pierres de foudre, animaux empaillés, carapaces, coquillages, herbiers, parmi tant d'autres... Les artistes, à leur tour, s'inspirent des coquillages les plus pittoresques et de ceux au contour le plus irrégulier, comme le Murex - utilisé pour extraire la pourpre, ou le Chicoréus, particulièrement recherchés.
Qu'est-ce que le style rocaille ?
Le style rocaille désigne la première époque du style Louis XV (1723-1750), marquée par une opulente décoration naturaliste, et qui connait son apogée vers 1730. Il s'inspirait des grottes artificielles et d'éléments de rochers reconstitués en compositions asymétriques. Cette décoration qui marque le début du Baroque, est complétée par des coquillages, d'éléments géologiques, des chutes de feuillages, des palmettes déchiquetées et des motifs floraux en bois sculpté, bronze et, plus tard, en porcelaine importée de Meissen, le tout dans des compositions de courbes et de contre-courbes asymétriques.
Consoles rocaille en porcelaine, dans le style Meissen
Cartel de style Louis XV d'après Caffieri
Sous Louis XV, le Rocaille envahit meubles et objets d'art. Ce style surchargé d'ornements, répandu vers le milieu du siècle dans toute l'Europe centrale et occidentale, fut surnommé par les Italiens, "Rococo". En France, les artistes qui le pratiquaient - les ornemanistes Juste Aurèle Meissonnier (1695-1750) et Jean Bérain (1640-1711), les sculpteurs-ciseleurs Jacques Caffieri (1673-1755) et Jean-Claude Duplessis (v. 1690-1774), créèrent des modèles originaux, pleins de fantaisie et de pittoresque, allant à l'encontre du classicisme.
Sous l'influence du rococo français, le style rocaille se répand dans la seconde moitié du siècle dans les autres pays européens. En Angleterre, il influence le style Chippendale (1754-1770). En Allemagne, il s'impose grâce à l'architecte François de Cuvilliés (1695-1768), dessinateur originaire de Hainaut au service de l'électeur de Bavière, dont le style ornemental et riche en motifs végétaux se répand au travers l'Europe grâce à une série de gravures publiées en 1738. En Italie, la Sérenissime l'adopte d'une manière théâtrale. En Espagne, en Autriche et en Bavière, il prend la forme d'un baroque tardif, à l'asymétrie exacerbée, qui emprunte les éléments du rococo français.
Contrairement à d'autres pays européens comme l'Angleterre, le style rocaille s'impose durablement en France, où il s'étend jusqu'en 1770, quand le néoclassicisme et le goût grec deviennent dominants. Le style et la pratique ornementale rocaille sont alors critiqués, face à la toute nouvelle idée d'une "régénération des arts" sur le modèle de Rome, d'Herculanum ou d'Athènes.
Après l'épisode néoclassique redresseur de courbes, le style rocaille est remis à l'honneur par le courant historiciste, qui puisse ses sources et son inspiration dans les époques passées. Les styles de l'Ancien Régime sont largement imités sous le Second Empire, et le style Louis XV plus particulièrement. On y retrouve à partir du milieu du XIXe siècle de nombreux meubles et objets d'art de style Louis XV, ou inspirés par l'esthétique rocaille.
Le rocaille dans la décoration des meubles et des objets d'art
Populaire à partir des années 1720, l'esthétique de la rocaille gagne tous les domaines, mais elle trouve son expansion la plus éclatante dans l'orfèvrerie, les arts de la table, la céramique et le décor intérieur. Les productions de goût baroque de la Manufacture de Meissen sont un parfait exemple pour la céramique. Pour l'orfèvrerie, les ornements rocailles couvrent abondamment boites en forme de coquille, bougeoirs et appliques, chenets, lustres... Ces petits objets précieux, ainsi que dessins et estampes, participent à la diffusion et au succès du style.
Dans le mobilier, le répertoire rocaille est censé créer l'étonnement. Asymétrique, sinueux, chantourné, il est composé de coquilles et autres formes naturelles déchiquetées, de fonds quadrillés à fleurettes, de cartouches ailés, de palmettes en coquille, de coquilles ajourées, de mascarons, de pieds en volute, de décors repercés. Les commodes à tiroirs, les consoles et les bureaux sont ornés de cartouches rocaille, de chutes en bronze et de feuilles godronnées, qui témoignent d'une grande fantaisie et liberté de traitement. Ce décor a été largement imité au XIXe siècle, pour créer des salons de style Louis XV ou Louis XVI.