Le style Napoléon III (1852-1870)
Publié par Galerie Atena on 07.07.22
Époque de décadence, le Second Empire (1852-1870) veut imposer le prestige par l’apparat, les fêtes et le luxe, en contraste au règne bourgeois du discret Louis-Philippe. Le style Napoléon III est le dernier style à porter le nom d’un souverain, celui de Louis Napoléon Bonaparte, d’abord élu président au suffrage universel masculin, puis prince-président avant d’être sacré empereur en décembre 1852.
Considéré comme éclectique, ce style repose sur une reprise des styles d’autrefois. Tout chez lui est emprunté aux styles qui l’ont précédé. Au lieu de tirer leur inspiration d’une seule époque, les ébénistes et les décorateurs du Second Empire ont puisé indistinctement, avec une exubérance joyeuse, à toutes les sources.
Ce mélange de styles se manifeste dans les arts décoratifs non pas successivement mais simultanément. Il en résulte une richesse, un foisonnement, un éclectisme parfois excessif mais qui donnent une impression de recherche et de fertilité.
PASTICHES ET NOSTALGIE
Paire d'aiguière dans le goût de la Renaissance (gauche)
Paire de cassolettes en marbre de style Louis XVI (droite)
Ce goût de
l’
historicisme reprend les formes de toutes les périodes. De Louis XIII, les
ornemanistes reprennent les pieds tournés en chapelets, de Louis XIV, les
meubles Boulle avec leur marqueterie de laiton et d’écaille, parfois remplacée
par du cuir teinté ou du bois sombre, de
Louis XV, les courbes rococos, et de Louis XVI, les pieds cannelés plus fins que les originaux. Les travaux de
Viollet le Duc remettent également
le Moyen-Âge au goût du jour. La référence aux styles antérieurs devient
la règle.
Secrétaire à cylindre d'après Riesener attribué à la maison Beurdeley
Ces nombreuses copies ou adaptations de meubles du XVIIIème siècle, viennent avec une volonté de réaménagement des palais nationaux : les Tuileries, Saint-Cloud, Compiègne, etc. Le Garde-Meuble impérial rachète des meubles anciens qui passent en vente pour remeubler les maisons royales.
L’impératrice
Eugénie
participe beaucoup à cet engouement historiciste. Elle apprécie
particulièrement les styles Louis XVI du fait de son admiration pour le
personnage de
Marie-Antoinette. La couronne fait faire des copies rigoureuses
de meubles anciens par
Jean-Henri Riesener (1734-1806), notamment le secrétaire à cylindre de Louis XV conservé au Château de Versailles. D’autres part, les
frères Grohé réalisent un ensemble pour meubler la Galerie François Ier, et
Jeanselme, qui a repris la maison Jacob, fait des fauteuils XVIIIème pour le
château de Saint-Cloud. On parle même de style "Louis XVI – Impératrice". Les
grands spécialistes du pastiches sont
Louis-Auguste-Alfred Beurdeley (1808-1882),
Alexandre-Georges Fourdinois (1799-1871) ou Henri Dasson (1825-1896).
Paire de consoles de style Louis XVI estampillée Guillaume Grohe
Mais ce retour aux styles se fait
dans un but politique. En revenant sur les formes de l’Ancien Régime, le Second
Empire s’identifie à cette cour et à la royauté établie, ce qui lui confère une certaine
légitimité. En réorganisant les industries françaises, Napoléon III insuffle un
nouvel élan aux arts décoratifs qui transforme la production.
LE MOBILIER, REFLET D’UNE SOCIÉTÉ EN ÉVOLUTION
Parallèlement,
la bourgeoise, classe dominante de ce milieu du XIXème siècle, recherche un
certain confort avec une multiplicité de petits meubles à portée de main. On
observe une volonté d’un décor intime et accueillant, aux caractéristiques fonctionnelles :
chiffonniers,
secrétaire, table de jeux, guéridons. De nouvelles catégories de
meubles légers et faciles à déplacer sont créés : tables gigognes,
guéridons basculants, chaise charivari et une multitude de fauteuils capitonnés
de velours ou brocart, généralement rouge, avec des franges tressées pour
cacher le bois (confident, boudeuses, bornes, poufs…).
Buffet d'époque Napoléon III en bois noirci et bronze doré
On affectionne le faste et la
richesse avec un goût pour le contraste qui donne une apparence de luxe. Le
mobilier en ébène ou poirier noirci est orné de bronzes dorés, marbres de
toutes les couleurs et
marqueteries types Boulle à écailles rouges. L’incrustation
de bois précieux, nacre, ivoire et laiton connait un essor grâce à la scie à
ruban qui permet de les débiter avec une extrême finesse. Cela permet des
meubles aux décors d’une grande précision et à l’aspect parfait contrairement
aux meubles du XVIIIème siècle qui présentent des marques d’outils. Par exemple, la
maison Rivart
développe une incroyable marqueterie de porcelaine incrustée dans le placage
des meubles.
Détail d'une table à jeu en marqueterie Boulle, époque Napoléon III
La production de plus en plus
massive est favorisée par la mécanisation des ateliers d’artisans. On a une
volonté de réduire les prix de revient afin de rendre la mode plus accessible à
la bourgeoisie friande de décors d’inspirations multiples. Cette division des
tâches peut expliquer le manque d’innovation des formes.
Cependant, les Exposition Universelle de Paris à partir de 1855 entraine une nouvelle réflexion sur
le statut des arts décoratifs. Les fabricants ont la volonté de les ériger au
rang d’art majeur en concevant des meubles comme des œuvres d’art. Cela mène à
l’apparition de plus en plus fréquente de signatures au tampon apposées sur les
faces invisibles des meubles. C’est le cas de
nos commodes de style Louis XVI estampillées GROHE sous le plateau de marbre.
Estampille de la maison Grohé sous le marbre d'une commode style Louis XVI
NOUVELLES TECHNIQUES
L’une des caractéristiques de l’époque Napoléon III,
qui se démarque par une certaine originalité, est l’emploi du papier
mâché
à fond noir. D’origine anglaise, cette technique repose sur un
amalgame de papier, de colle et de plâtre solidifié à chaud et moulé. Ce matériau alors
aussi dur que le bois est ensuite verni, laqué et décoré. Ce procédé, souvent
incrusté de nacre, adopté par les fabricants des meubles français se généralise
à partir de 1860.
Détail de marqueterie burgauté sur un guéridon basculant en bois et carton laqué
C’est alors que se répand la mode des meubles « burgautés », qui
tiennent leurs ornements nacrés d’un coquillage appelé burgau, dont l’intérieur
est tapissé de surfaces nacrées, irisées de reflets bleus, verts et pourpres. Cette technique déjà utilisée pour le
berceau du roi de Rome offert par la ville de Paris en 1811, conservé au Kunsthistorisches Museum à Vienne, est totalement repensée pour s’adapter aux nouveaux goûts.
Les meubles et les sièges «
burgautés » sont l’une des caractéristiques
les plus typiques du
style Napoléon III.
CONCLUSION
Lorsque Charles Garnier présenta le projet de l’Opéra
Garnier à Louis Napoléon Bonaparte, l’empereur aurait dit « Ce n’est pas
gothique, ce n’est pas Renaissance, ce n’est pas classique, mais quel style
est-ce ? » Ce à quoi l’architecte lui aurait répondu « Napoléon
III ». Peut-être avait-il raison d’affirmer que ce style avait en réalité
son identité propre parfaitement reconnaissable malgré ses nombreuses
citations.
Bibliographie
- Le mobilier français, Napoléon III années 1880, Odile Nouvel Kammerer, 1996
- Reconnaître les meubles de style, Pierre Faveton, 2014
- Le guide des styles, Musée des arts décoratifs, Jean-Pierre Constant, Marco Mencacci, 2018